Aux nombreux terrains de golf que possède déjà la France, un nouveau vient de s’ajouter que ses proportions, sa beauté pittoresque et l’attrait de son parcours signalent à tous les amateurs de ce sport de plus en plus répandu chez nous : c’est celui de Chiberta , sur la côte basque, auprès de Biarritz.
Son tracé a été exécuté par M. Simpson, l’architecte spécialisé en cet art dont les profanes ne soupçonnent pas les difficultés. Il s’étend à la fois sur les dunes, le long de la mer, et à travers la forêt de pins que ses links entaillent profondément.
L’aspect du paysage est d’une variété continuelle : voici une colline dont la croupe vert Véronèse ondule sous le soleil; voilà un immense lac où se mire le rideau des grands arbres.
D’un côté, c’est l’océan qui gronde, de l’autre, la floraison d’or des genêts. Du tapis de velours vert les vapeurs d’eau s’élèvent, voilant l’horizon d’une diaphane gaze mouvante.
La lumière éclate sous le ciel bleu pâle ou s’estompe des ombres de la pinèdes. Le vent du large vous fouette de ses senteurs marines. Dans le silence troublé seulement par le grondement des flots, on goûte l’enivrant plaisir de la solitude, quand soudain, sur la route cavalière longeant le parcours, débouche un groupe d’amazones qui vous rappelle la proximité de la vie élégante.
Avant que le golf de Chiberta ne fût ouvert au public, M. Bernard Darwin, dont l’opinion fait autorité en Angleterre, fut invité à le visiter et à l’essayer.
Il a dit, dans le Times, son admiration pour cette oeuvre » grandiose », tout en traitant de « diabolique » le vaste parcours de plus de 5 kilomètres et demi, hérissé d’embûches qui raviront les joueurs.
» Prenez, dit-il, le Touquet, Swinley Forest et Saint-George’s Hill et mélangez-les ensemble, ajoutez-y le lac de Wentworth, un bon morceau de Pine Valley, disposez le tout sur le rivage où souffle la brise de l’Atlantique, et vous aurez quelque idée de Chiberta. »
M. Bernard Darwin poursuit : » C’est un parcours magnifique. J’en connais peu où il puisse être aussi captivant d’assister à une partie de grand style; peu où un coup correctement exécuté, quelle que soit la classe du joueur, soit aussi bien récompensé et donne autant de satisfaction. »
Sur la qualité même du terrain, il fournit aussi les précisions suivantes : « Les greens sont déjà merveilleusement unis et exempts de mauvaises herbes. Les fairways n’en sont pas encore tout à fait au même point et ont donné bien du mal aux organisateurs. La première fois que l’on ensemença le parcours, il s’éleva un vent de tempête qui dispersa toutes les graines. On recommença et ce fut alors un été exceptionnellement brûlant qui sévit. »
A l’heure actuelle, toutefois, le gazon est abondant, quoique un peu rude et touffu par endroit; mais, comme on dispose d’eau en abondance, il ne devrait plus y avoir de tragédies de ce genre. Le terrain sera-t-il marin ou continental, et tout le parcours lui-même sera-t-il maritime ou terrestre, je ne saurais le dire.
Il y a, par exemple, des coups qui sont essentiellement » du bord de la mer », comme celui qui passe au-dessus de la dune gigantesque du numéro 7, que Sandwich ou Burnham serait fier de posséder. Un trou, – peut-être le meilleur de tout le parcours, – le 12*, ( *sauf erreur, c’est le 6 actuel ou l’ancien 15 et non le 12 comme indiqué. APGF. ) est aussi bien du bord de la mer que de l’intérieur des terres; car le départ se fait sur un terrain sablonneux et inculte qui ne peut se rencontrer que sur le bord de la mer, et le second coup, par-dessus une vallée dont le gazon est bordé de pins.
Mais, quant au vent, il n’y a pas de doute possible : il est nettement maritime. »
Chiberta, d’ailleurs, ne veut pas être qu’un golf, mais le noyau de toute une cité touristique et climatique : parcs et jardins de plaisance, villas, chalets et cottages, champ de courses, terrain de polo, terrain de football, water-polo, bains de mer et bains d’eau douce courante, piscine pour bains de mer tièdes, tels sont quelques-uns des projets dont la réalisation a commencé.
Dans ce cadre de nature à la Puvis de Chavannes, l’implacable progrès s’est installé. Il faut souhaiter que cette transformation moderne n’en altère pas trop, malgré tout, la poésie et la beauté.