Simone Thion de la Chaume 1908-2001

1924 Simone Thion de la Chaume

Simone Thion de la Chaume, a été :
– la 1ère française a avoir participé au British Girls et à le gagner en 1924.
– la 1ère française a avoir gagné le British Ladies en 1927.
– la 1ère française a avoir participé à l’US Women Amateur en 1927 et … c’est sa fille Catherine Lacoste qui l’a gagné en 1969.

 

Ses premiers pas golfiques

Simone a 9 ans.
En vacances avec ses parents à Bude, station balnéaire britannique de la région des Cornouailles, Simone prend quelques cours avec le pro local et découvre le jeu de golf.
Pendant trois ans, Simone pratiquera ce loisir uniquement en vacances, avant d’accompagner ses parents régulièrement au golf de Saint Cloud et, d’y jouer avec son frère Robert, son cousin Jean Thion de la Chaume et quelques jeunes du Club.

1922, son premier championnat.

Simone participe avec sa mère au championnat des françaises « la coupe Femina » qui se joue au golf de Paris – la Boulie.
La tenante du titre, Pauline de Bellet, 30 ans, est depuis 1908, la plus brillante de nos golfeuses nationales ( en huit éditions, elle a déjà remporté 7 fois le tournoi ) mais aussi, c’est la seule, qui a été capable de rivaliser et de battre les meilleures britanniques en France.
Une fois de plus, la sociétaire du golf de Paris est la grande favorite.
Contre toute attente, c’est une jeune joueuse du golf de Saint Cloud, Janine Gaveau, 18 ans, qui gagne le championnat devant Mlle A. Charcot.
Simone signe un score de 98 et occupe la troisième place. Au classement net, Simone hcp 18, se classe seconde.
Quant à Pauline de Bellet, indisposée par la chaleur, elle abandonne.

1922, Saint Jean de Luz

Ses parents tombent sous le charme de la côte basque et plus particulièrement de Saint Jean de Luz.
Le littoral basque dispose depuis quelques années de terrains de golf. En effet, depuis la création du golf de Biarritz en 1888, trois autres links ont vu le jour.
En 1893, Saint Jean de Luz a son golf. C’est celui de Sainte Barbe connu sous le nom de golf des Anglais. Links de 9 trous, il devient vite saturé et, l’idée de créer un nouveau parcours de 18 trous émerge.
En 1907, suffisamment d’hectares sont achetés et la construction du golf de la Nivelle à Ciboure débute.
Enfin en 1910, au sein du domaine du château d’Abbadie à Hendaye, un 18 trous dessiné par Harry Colt est une pure merveille. Avec quatre parcours ! la région a de quoi satisfaire les adeptes de la balle en gutta.
Lorsque Simone séjourne dans la cité des corsaires, elle prend des cours avec le professionnel anglais du golf de sainte Barbe, Sam Freemantle et arpente le parcours du golf de la Nivelle où toute la famille est devenue sociétaire.
En deux saisons, son jeu progresse à vitesse grand V et son handicap est de 10.

1924 Simone, la « Suzanne des links »

Saint Cloud accueille pour la deuxième année consécutive la coupe Femina. Depuis 1923, cette compétition ne dote plus le championnat de France dames mais demeure une épreuve importante pour les joueuses françaises.
Avec un score de 83, Simone, 16 ans, remporte sa 1ère victoire nationale.
Pendant l’été, elle se rend en Angleterre à Stoke Poges afin de participer à la sixième édition du British Girls ( International de Grande Bretagne Jeunes Filles ).
En même temps, deux juniors français participent au British Boys. Robert, le frère de Simone et Pierre Manœuvrier.
C’est la première fois que des juniors français font le déplacement pour disputer le championnat junior de Grande Bretagne.
A la grande surprise, Pierre Manœuvrier et Simone Thion de la Chaume se retrouvent en finale dans leurs catégories respectives.
Pierre Manœuvrier va perdre le tournoi au dernier trou (il faut attendre 1960, pour que pareil exploit d’un junior français soit renouvelé avec la victoire de Patrick Cros ).
Simone opposée à la britannique Dorothy Pearson gagne son match et remporte le titre de Championne de Grande Bretagne junior.
Impressionnés par le swing tout en rythme de la petite française, les plus grands experts anglais dont Bernard Darwin ( petit-fils du célèbre Charles ), n’hésitent pas à comparer son style à celui de leurs célèbres championnes nationales, Cécil Leitch et Joyce Wethered.
Pour son jeune âge, Simone possède déjà un driving d’une bonne distance et toujours droit, des coups de fers bien attaqués et fermes, des approches d’une grande précision avec effet rétro, et un putting redoutable. De plus, elle possède une intelligence de jeu et enfin une excellente attitude.
Surnommée la « Suzanne des links » ( allusion à Suzanne Lenglen ), les connaisseurs sont unanimes sur l’avenir golfique du prodige français et, la voit d’ici deux ou trois ans rivaliser avec les meilleures joueuses du monde.
Quelques mois après cette victoire, le journal « le Miroir des Sports » consacre enfin un article à la jeune et talentueuse championne :
Extrait « A cette maîtrise technique si précoce, Mlle Thion de la Chaume joint des qualités morales presque déconcertantes, tellement on est peu habitué à les découvrir chez une jeune fille de cet âge. Mlle Thion de la Chaume a le calme, le sang froid du vieux routier, et, quelles que soient les circonstances, même dans les situations les plus critiques, elle ne se laisse impressionner par aucune contingence. Toujours maîtresse de ses nerfs, elle juge la distance, le coup qu’il faut tenter et le club à choisir avec cette décision rapide, et pourtant réfléchie, qui est le propre des grands joueurs de golf ; aussi bien dans la prudence que dans l’audace, elle connaît la distance qu’elle peut couvrir avec chacun de ses instruments, et à aucun moment, depuis le départ jusqu’au trou, on ne peut trouver sa connaissance du jeu en défaut ».Miroir des Sports du mercredi 15 octobre 1924.

 

1925 Simone devient à 18 ans la numéro 1 française

. Simone conserve la coupe Femina à Fontainebleau avec un score de 80 et gagne pour la première fois le championnat National « Coupe Pierre Deschamps » qui se déroule également sur le parcours bellifontain, en battant Pauline de Bellet par 3 et 2.
Lors de l’International de France, la N°1 française prend conscience de son réel potentiel. Opposée en finale à la meilleure joueuse américaine Glenna Collett, Simone ne se laisse pas impressionner.
La championne d’outre-atlantique est venue en Europe pour participer aux deux principales épreuves féminines le British et le French Ladies et compte bien les gagner.
Les deux joueuses jouent un très bon golf et les spectateurs venus à Chantilly pour suivre la rencontre se mettent à penser à l’exploit.
Finalement, Simone s’incline 3 et 1 sur 36 trous. Rien à regretter.
De retour aux Etats-Unis, Glenna Collett signe en août 1925, un article pour le magazine Golf Illustrated et décrit son voyage en Europe.
Concernant la France, l’américaine dit avoir joué sur trois parcours, Chantilly, la Boulie puis Saint Cloud où une partie avait été organisée avec Simone qu’elle décrit comme tel « Simone Thion de la Chaume is a very fine golfer…She stands very straight and has an attractive swing ».

 

1926 Le chelem national

Simone gagne les trois plus grandes épreuves individuelles du territoire national.
– La Coupe Femina pour la troisième année consécutive, gardant ainsi comme le veut le règlement, le Trophée ( cette coupe est exposée au siège social Lacoste à Paris ).
– Le Championnat de France pour la deuxième année face à Manette Le Blan.
– L’International de France en battant Cécil Leitch ( 4 fois victorieuse de l’International de Grande Bretagne ).

Cette victoire dans l’International de France face à la star britannique propulse Simone parmi les meilleurs joueuses européennes.
Dans un article écrit en juillet 1926 par Mary K Brown, journaliste pour le magazine American Golfer, celle-ci ne tarit pas d’éloges sur la qualité de jeu de la française lors de la finale face à Cécil Leitch. On y apprend également par Madame Thion de la Chaume, que sa fille a une véritable passion pour le golf, qu’elle s’entraîne tout simplement pour être en forme au moment du championnat et surtout qu’elle est consciente que le golf est en priorité, un jeu.

 

1927 : La grande année

Début mai, Simone dispute à Saint Cloud le championnat de France qu’elle remporte pour la troisième année consécutive.
Lors de la finale, Pauline de Vilmorin ( de Bellet ) n’a rien pu faire et concède le match par 7 et 5. Le résultat est sévère mais quelques jours avant le British Ladies, cela laisse supposer que le jeu de Simone était bien réglé.
Le championnat britannique se déroule en Irlande au Royal County Down Golf Club de Newcastle.
Pour la première fois depuis la création du British Ladies en 1893, deux françaises, Simone Thion de la Chaume et Manette Le Blan participent aux demi-finales.
Victorieuse d’Enid Wilson, Simone dispute la finale face à Dorothy Pearson vainqueur de Manette.
Trois ans plus tôt, lors de British Girls, les deux finalistes s’étaient déjà rencontrées pour le titre junior et Simone avait brillamment remporté le championnat. Une fois de plus, le match est sans appel et Simone gagne par 5 et 4.

Le public outre-Manche est conquis par l’excellence de son jeu, mais aussi par son charme, son affabilité, sa modestie, sa simplicité…
Digne successeur de Joyce Wethered ou de Cécil Leitch, Simone Thion de la Chaume est désormais appelée par la presse britannique « Wonder Girl ».

Le mardi 24 mai 1927, le « Miroir des Sports » fait paraître un article écrit par la presse américaine dans lequel nous pouvons lire « Simone Thion de la Chaume mérite de prendre place parmi les quatre meilleures joueuses de la terre ».
Un mois plus tard, Simone s’impose lors de l’International de France qui s’est disputé sur le
parcours du Touquet.
Mrs Johnson n’a rien pu faire contre la nouvelle championne du British et s’incline 15 et 14 en finale ! « la pôovre ! elle a dû s’en souvenir toute sa vie ».

 

1927 Simone et l’US Amateur.

Mlle Thion de la Chaume profite d’un séjour aux Etats-Unis pour tenter sa chance à l’US Women Amateur.
La meilleure joueuse européenne est attendue avec impatience et, dès son arrivée, tous les regards se portent vers la jeune championne. Avenante, souriante, parlant anglais couramment, le contact avec Simone est facile. Sa présence apporte une bouffée de fraîcheur et bien entendu « the french touch ».
Les interrogations du genre, comment joue t-elle ? Et son swing ? Et son drive ? Et son putting …se susurrent. Certes, quelques articles relatent ses récentes victoires européennes mais une prodige française, cela ne court pas les fairways !
Lors de la journée d’entraînement, Simone avec un score de 80, fait jeu égal avec les meilleures joueuses américaines. Sans aucun doute, la petite française a toutes ses chances.

Le championnat

Il se joue du 19 au 24 septembre près de New York au Cherry Valley Club.
A l’issue de la 1ère journée en stroke play, 32 joueuses sont qualifiées pour la phase finale qui se joue en match play.
La gagnante est la canadienne Ada Mac Kenzie avec un score de 77.
Quant à Simone, elle signe un 87 et se qualifie à la 16ème place.
Opposée à Mrs Steward Hanley, Simone gagne son premier match au 16 par 4 et 2. Puis, elle élimine Mrs Higbie par 1up.
En quart de finale face à *Alexa Stirling Fraser, qui vient d’éliminer Glenna Collett, Simone perd d’entrée les deux premiers trous, ne peut remonter et s’incline 3 et 2.
*Alexa Stirling Fraser a gagné le championnat américain en 1916, 1919 et 1920 et a été finaliste en 1921, 1923 et 1925.
Finalement, le championnat est remportée par Miriam B. Horn qui, opposée à Maureen Orcutt, gagne 5 et 4 sur 36 trous.

 

1930 Simone Thion de la Chaume devient Madame Lacoste.

Lors de son séjour aux Etats-Unis, Simone rencontre le tennisman René Lacoste.
L’équipe de France, dont il fait partie, vient de gagner pour la première fois et aux États-Unis, la coupe Davis. Puis, il enchaîne avec le championnat américain qu’il remporte.
Le hasard fait que Simone et René rentrent en France le même jour et à bord du même paquebot.
Trois mois plus tard, en décembre, la revue American Golfer diffuse une rumeur concernant les deux champions français « René Lacoste et Simone Thion de la Chaume compteraient fleurette ».
Le couple se marie en 1930. Quatre enfants vont naître de cette union.

 

La Présidence du golf de Chantaco.

Depuis 1922, la famille Thion de la Chaume se rend régulièrement à Saint Jean de Luz. René, le père, achète des terres à la sortie de la ville en direction de la commune d’Ascain et décide d’y créer un nouveau golf.
L’architecture du parcours est donné au britannique Harry Colt et le Club House, dans le pur style Art-Déco, est l’œuvre de l’architecte Jean Walter.
Le 1er novembre 1928, le golf de Chantaco est inauguré.
Plus de 300 personnes sont invitées et viennent assister à une belle exhibition d’ouverture.
Quatre joueurs professionnels et pas des moindres sont là.
Arnaud Massy, Jean Gassiat et les professionnels anglais du golf de Saint Cloud Audrey et Percy Boomer.
René Thion de la Chaume prend la présidence du Club pendant quelques années et laisse, assez rapidement, les rênes de cette fonction à sa championne de fille.
Lors du conflit mondial, Simone et René Lacoste réussissent tant bien que mal à sauvegarder le golf familial et évitent le travail obligatoire en Allemagne aux ouvriers du golf en y faisant planter 40 000 nouveaux arbres.
La paix revenue, le golf est restauré et retrouve son activité.
En 1974, Simone Lacoste laisse la présidence du golf de Chantaco à sa fille Catherine.

 

1946, Simone reçoit la médaille d’or de l’Education Physique

C’est la première fois qu’une distinction sportive est remise à des golfeurs. En compagnie de Philippe Boulart, Jean Bourin, Michel Carlhian, Georges Huet, Jacques Léglise, Yan le Quellec, Jacques de Saint Sauveur ainsi que les professionnels Auguste Boyer, Marcel Dallemagne et Arnaud Massy, Simone reçoit la médaille d’Or de l’Education Physique.

 

Les jeunes au golf : Une priorité pour Madame Lacoste

En 1949, la grande championne est la marraine du 1er Brevet Sportif.
Ancêtre des drapeaux et Open, cet examen fédéral mis en place et créé par Pierre Prieur s’adresse à tous les jeunes golfeurs de France. Valable un ou deux ans, il permettait aux enfants d’avoir accès gratuitement à tous les parcours de France.
La 1ère session a eu lieu au golf de Marly. Parmi les enfants ayant réussi cet examen, figurait Brigitte Varangot, alors âgée de 9 ans.
Si les jeunes ont du talent et l’envie de progresser, qu’importe le niveau social auquel ils appartiennent.
Une de ses plus grandes réussites au sein de son Club, est d’avoir autorisé les enfants du personnel de Chantaco et les jeunes cadets à pouvoir pratiquer ce merveilleux jeu.
Garaïalde, Palli, Pascassio, Harismendy, Larretche, Telleria, Lassalle, Mendiburu, Lafitte, Tapia, Delgado, Mouhica etc. tous ces noms qui ont représenté le golf français dont certains, au plus haut niveau, en tant que joueurs ou enseignants sont issus du golf de Chantaco.

 

Le golf de Chantaco accueille les grandes compétitions

Durant toute sa présidence, Simone, avec l’aide de son mari, a œuvré pour la notoriété de son Club. Mais, c’est par passion pour le jeu qu’elle reçoit sur son propre parcours, les grandes compétitions amateurs et professionnelles.
En 1970, l’Open de France s’y joue.
En 2008, pour le 80ème anniversaire du Club, Chantaco reçoit pour la 6ème fois, la coupe Thion de la Chaume ou International de France mixte foursomes.
Ce championnat créé en 1926 par René Thion de la Chaume a été joué par les plus grandes gloires féminines et masculines Amateurs du golf européen.
Simone aimait beaucoup cette formule de jeu et son règlement dont une des particularités est que les joueuses et les joueurs partent des mêmes départs.
Sa dernière participation dans cette coupe a été à Chantaco en 1960. Associée à son mari, René Lacoste, ils s’inclinent en finale face à une redoutable équipe formée d’Odile Garaïalde et Gaëtan Mourgue d’Algue.

 

Le trophée Simone Thion de la Chaume : 1er Open senior dames

En 1999, Catherine Lacoste, présidente du golf de Chantaco, rend hommage à sa mère en créant dans l’enceinte du golf familial, le 1er Open* International Senior Dames de l’histoire du golf mondial le « Trophée Simone Thion de la Chaume ».
* Ouvert à toutes joueuses amateurs et professionnelles de cette catégorie.
En 2001, Madame René Lacoste assiste pour la dernière fois à ce grand rendez-vous.
Depuis, bien que certaines concurrentes ne l’aient pas connue, toutes aiment appeler ce championnat le « Simone » . Cette familiarité est un bien bel hommage à la grande dame du golf français qu’a été Mademoiselle Thion de la Chaume.

 

Mon souvenir

C’est celui d’une dame, souriante, au regard doux, élégante, souvent coiffée d’un béret écossais ou d’un chapeau qui, toujours passionnée par le jeu, suivait sans déranger une ou plusieurs parties en marchant tranquillement le long du fairway.
Puis, discrètement, elle se plaçait et s’arrêtait. Là, assise sur sa canne siège, elle observait.
Enfin, après la partie, Simone venait vous féliciter et au pire des cas, vous encourager.

Rédacteur : Philippe PALLI

 

Palmarès de 1922 à 1939 :

– International de Grande Bretagne Junior féminin en 1924.
– International de Grande Bretagne Dames en 1927
– International de France Dames en 1926, 1927, 1930, 1935, 1938 et 1939.
– Championnat de France en 1925, 1926, 1927, 1928, 1929, 1930, 1936, 1937 et 1938
– Coupe de France Pierre Lafitte ( anciennement nommée coupe Femina ) en 1924, 1925, 1926, 1929, 1930, 1932 et 1937.
– Coupe Vilmorin en 1933, 1934 et 1936
– Coupe Gaveau en 1936
– International de France double dames coupe Saint Germain en 1930 associée à Manette Thion de la Chaume.
– International de France double mixte coupe Thion de la Chaume en 1930 associée à Cap Sinclair et en 1932 associée à André M.Vagliano.
– International de Grande Bretagne double mixte coupe Worplesdon en 1926 associée à Roger Wethered.

Sources : American Golfer, Golf Illustrated, le Miroir du Sports, Tennis & Golf, Très Sport, Le Sport Universel illustré.